Comment prendre soin de soi même quand on en a pas envie

C’est assez paradoxal que j’écrive ce texte aujourd’hui. Autant j’essaie de le prôner, de faire des rappels fréquents aux femmes qui me suivent, que j’essaie moi-même de l’appliquer, autant aujourd’hui je me trouve zéro cohérente de vous en parler. 

 

En rédigeant ces mots, mon plan de la journée était d’aller au resto ce soir. Le premier depuis des mois, COVID oblige. Ma mère est réservée depuis deux semaines pour garder les enfants. J’ai réussi à dégager du temps dans mon horaire. Bref, le plan est parfait. 

 

Le seul hic est qu’en ce moment, je suis en train de “choker”. Je suis réellement en train de me convaincre de rester ici avec mes petits, que de toute façon, j’en ai pas si besoin que ça, que ça va être trop forçant d’aller me laver les cheveux, me mettre cute, prendre la route pour aller dans un endroit qui sera trop bruyant pour mon déclin de compétences sociales pandémiques, que mon fils a du basket et que je ne peux pas imposer à mes parents de devoir en plus aller le chercher là-bas. Qu’il est hors de question que je lui fasse manquer sa pratique, lui qui attend depuis des mois ce moment. Que je n’ai aucune solution pour que mon chien ne reste pas seul trop longtemps. Lui aussi vit une pandémie et n’est pas habitué à la solitude sans humain. 

 

Je me répète que je serais bien en pyjama devant une série Netflix, que j’ai 1000 choses à faire demain. Je ne te parle pas non plus (oui, je viens de sauter au “tu”), de l’étrange culpabilité au goût amer qui se pointe, parce que je me dis que les enfants ont besoin de moi, même si ça fait presque 4 mois que nous sommes ensemble 24 h sur 24.

 

JE DÉTESTE QUAND JE SUIS DANS CET ÉTATLÀ.

 

Parce que je le vois bien que ce serait beaucoup plus simple de me laisser tomber. 

Plus facile que de me faire croire que je mérite de prendre cette soirée pour moi, et moi seule.

 

Je ne peux pas croire que j’entretiens encore ce discours intérieur malsainlà de la maman qui prime sur la femme. Que c’est complètement égoïste de quitter la maison en plein jeudi de semaine pour voir ce qui se fait en dehors de ma cuisine. Que je trouve ça réellement difficile de me défaire de toutes mes idées préconçues qui existent encore même après 15 ans de maternité. 

 

Prendre soin de soi, c’est contre-nature. Personne ne nous l’a enseigné. On nous enseigne les vertus de l’entraide, de la compréhension envers les autres, de respecter tous les gens autour de nous (qui sont, en passant, de belles qualités), mais on a négligé de nous rappeler fréquemment que nous sommes la personne la plus importante de notre vie. À tout moment, nous devrions nous mettre en priorité, parce que c’est normal et sain de prendre du temps pour soigner son corps, son âme, sa vie. Cette foutue culpabilité ne partira sans doute jamais, mais on peut commencer à la percevoir autrement en comprenant les bienfaits du selfcare

 

Ainsi, on n’a pas appris qu’en se faisant passer en premier, on sera plus patiente par la suite et beaucoup plus disposée à accomplir nos tâches quotidiennes. Qu’en se laissant de l’espace et en se dégageant de la charge mentale que l’on a à tout moment, on peut réellement avoir davantage de clarté dans notre vie. Que de s’accorder ne serait-ce que quelques minutes par jour peut avoir un effet gigantesque sur notre estime de soi

 

Prendre soin de soi peut sembler très cliché. Plusieurs ne voient pas nécessairement l’intérêt à se faire des masques, à lire quelques pages en silence, à tout laisser tomber le temps qu’il faut pour aller prendre l’air, ou à aller au restaurant en pleine semaine sans les enfants. Ce qu’il faut comprendre, c’est que, rapidement, on pourra en ressentir les effets sur la qualité de notre sommeil, de notre concentration, et sur notre capacité d’adaptation à ce que la vie aura à nous proposer. 

 

On enseigne également sans le vouloir le meilleur message aux gens autour de nous. On dit souvent que pour être bien traitée, on doit d’abord montrer clairement comment on souhaite l’être. Imaginez si vous êtes toujours à la course, à la merci de tous vos êtres chers, que vous mangez sur le pouce parce que vous avez une maisonnée à gérer (vous remarquerez que je suis revenue au “vous), et que vos besoins ne sont pas si importants que ça… comment cela se traduira?

 

TU N’ES PAS ASSEZ IMPORTANTE POUR QUE JE TE RESPECTE. 

 

Il sera toujours plus facile de vous laisser tomber. Toujours. 

 

Vous ne laisseriez pas tomber votre mère.

Ou vos amies

Encore moins vos enfants. 

 

Mais vous, oui. Comme ce que je m’apprêtais à faire ce soir. 

 

Je me permets encore de changer d’idée. Peut-être que mes plans initiaux changeront et que je n’irai pas au resto. Je m’engage cependant à ne pas annuler ma mère, et à profiter de ce temps pour lire ou écrire, dans le silence. Même si je me sens coupable. 

 

Je me promets de ne pas m’abandonner. 

Et si on prenait soin de nous? Surtout lorsqu’on n’en aura pas envie?